L ’Archétype

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L’archétype est une revue internationale spécialisée dans le domaine des sciences humaines notamment, la littérature la philosophie et l'art. Sous le contrôle d'un comité de lecture international, la revue l'archétype vise à soulever des problématiques d’actualité pour interroger les enjeux du développement des sciences humaines. Pour élargir son champ de recherche, la revue accepte des manuscrits inédits de haut niveau académique en français en arabe en anglais et en espagnol. Tous les articles feront l'objet d'une double évaluation par le comité de lecture.

Vol. 1, No 1 (2023): Le Mysticisme entre amour de la folie et folie de l'amour-I

Le mysticisme est mystère car il peut orienter et amener l’homme aux rivages de l’Infini et du mystère. L’expérience mystique est d’abord un langage connu et défini par l’excès puisqu’elle forme une représentation de la non-représentation : une situation purement existentielle où le langage et la langue se trouvent sans référents dans la mesure où l’on exprime l’état intérieur de l’homme (al-Bāṭin). Le discours et le langage mystique créent des effets de sens à la fois singuliers et innovants, et cela en franchissant les limites de l’expressivité, au risque même du silence. L’écriture mystique avec sa poétique et sa rhétorique glisse du religieux au profane et du fini à l’infini. La question essentielle devient dès lors celle de la relation du langage de la mystique et de la mystique du langage au profit de la réalité d’une illumination.

Est mystique l’écrivain de l’au-delà des choses qui d’un mouvement vigoureux tente d’échapper au monde sensible et à toute explication de texte. Tel qu'il est défini, le mysticisme existe dans toutes les religions du monde qu'elles soient monothéistes ou autres, tant et si bien que les noms de ceux qui l'ont pratiqué, l'ont théorisé ou même adopté en tant que doctrine abondent. Toute expérience mystique met au centre de ses préoccupations l’amour (al-ub) pour définir l’homme et le distinguer de toute autre espèce vivante. Dans ce sens, al-Ḥub chez les soufis prend différentes représentations et images ; d’un côté, il prend la forme du nom d’une femme à savoir Laylā, d’un autre coté l’amour est associé à la folie engendrée par l’amour inconditionnel, sans limite, l’Agapé.

Exalter l’amour à travers un nom féminin n’est pas arbitraire, il se justifie par la charge symbolique qu’elle a puisqu’elle est la représentation absolue de l’amour : amour de dieu, amour maternel, amour charnel. Ibn Arabi, grand mystique et érudit, auteur de L'Interprète des désirs : Turǧumān al-Ašwāq dont le thème principal est l’amour. Cet amour est à la fois une quête de l’amant divin et de l’amant profane à savoir la jeune iranienne nommée Nizhâm. Ainsi l’amour devient-il plus complexe à définir et à cerner puisque fait d’images et d’états chez les soufis arabo-musulmans.

L’éclosion de l’amour (al-ʿišq) n’est pas associée à l’affectivité humaine mais à une énergie métaphysique qui transcende l’entendement. Dans ce sens, l’écriture mystique vient montrer, par l’expérience mystique qu’elle transmet, une différence subtile entre amour (al-Ḥub) et éclosion de l’amour (al-ʿišq). A travers la poésie mystique, on retrace le processus de l’éclosion de l’amour (al-ʿišq) qui chez les soufis dépasse l’amour (al-Ḥub). 

Parmi les mystiques musulmans qui communiquent ces mystères et éclaircissent ces subtilités d’ordre existentiel, on peut citer Ǧalāl al-Dīn Rūmī, né en 1207 à Balkh, qui a chanté l’Amour dans une transe mystique : « Un amour est venu, qui a éclipsé tous les amours. Je me suis consumé, et mes cendres sont devenues vie. De nouveau mes cendres par désir de ta brûlure sont revenues et ont revêtu mille nouveaux visages. »

Actuellement, le mysticisme forme un discours universel qui a contaminé et influencé plusieurs disciplines des sciences humaines notamment la philosophie et la littérature. En prenant le cas de cette dernière, la pensée mystique se glisse à travers l’intertexte qui assure la dimension universelle du texte. L’amour est présent en tout un chacun et c’est à travers une expérience mystique que l’être parvient à l’éclosion de l’amour (al-ʿišq). C’est le caractère inné et universel de cet amour mystique qui attire la littérature elle-même partageant ce trait de caractère.

Tolstoï ayant écrit Hadji Mourad, un texte oriental, et écrit Guerre et Paix, un livre où il y a beaucoup de philosophie avec des personnages étonnants et mystérieux. Il décrit la mort mystique des soufis avec des scènes d’agonie ainsi que l’âme qui voyage vers l’éternité en proie aux vœux du corps.

Dans cette perspective, Borges s’ajoute aux grands admirateurs de l’art mystique. A son tour, il cite Ibn ʿArabī, al-Ḥallāj, Farīd ad-Dīn ʿAṭṭār, tous de grands soufis qui ont influencé l’histoire de la mystique arabo-musulmane qui ont traité de l’amour et de son éclosion. Borges auteur universel s’intéresse beaucoup à la mystique chez bouddhistes comme chez les juifs et les chrétiens. 

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