Les instruments de la finance verte au Maroc : un engagement continu
Résumé
La question de la protection de l’environnement a été relevée au rang de problème international d’importance majeure dès les années 70. La conférence de Stockholm (1972), première occurrence de droit international contraignant dans le domaine de l’environnement, a notamment donné lieu à la création du Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) qui, à la demande du G7, crée en 1988, en partenariat avec l’Organisation Météorologique Mondiale, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) chargé d’évaluer d'un point de vue scientifique, l'influence de l'Homme dans le changement climatique, mais aussi d'en mesurer les risques et de proposer des stratégies d’adaptation et d’atténuation (ACAPS,2016).
La Conférence des Nations Unies sur l'Environnement et le Développement (CNUED), est ensuite créée en 1992. Appelée Sommet de la Terre ou Conférence de Rio, elle aboutit à la signature de la Convention- cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC). Les pays signataires de cette Convention se réunissent annuellement depuis 1995 lors de ce qu'on appelle la Conférence des Parties (COP), qui, lors de sa 21ème session à Paris en 2015, a permis de conclure un accord historique visant à contenir le réchauffement climatique bien en dessous de 2°C par rapport aux niveaux préindustriels. La 22ème Conférence des Parties que le Maroc a accueilli à Marrakech du 7 au 18 novembre 2016 (COP 22), porte l’attention sur la mise en œuvre des engagements nationaux pour relever ce défi.
Résolument engagé dans une démarche volontaire de développement favorisant l’équilibre entre les dimensions environnementale, économique et sociale, le Maroc a, dans sa Constitution de 2011, consacré l’accès à l‘eau, à un environnement sain et au développement durable en tant que droits fondamentaux pour tous les citoyens. Il a, par ailleurs, porté un grand nombre d’initiatives, dont la Stratégie nationale de développement durable, le Programme national de l’air, le programme Climat, le Plan Maroc Vert, le Plan d’Investissement Vert, la Charte Nationale de l’Environnement et de Développement Durable, la loi relative aux déchets plastiques, la loi sur la gestion des déchets et leur élimination, la loi sur la lutte contre la pollution atmosphérique, la loi relative à l’eau…. Il a également lancé des projets structurants dans des domaines vitaux tels les énergies renouvelables, l’agriculture, le tourisme et le transport, pour concrétiser son attachement résolu au principe de durabilité.
Fort de ses acquis, le Maroc a été parmi les premiers pays à avoir présenté sa Contribution Prévue Déterminée au niveau National (CPDN ou INDC), dans le cadre COP 21 tenue à Paris, qui cible une réduction des émissions de gaz à effet de serre à hauteur de 32% à horizon 2030, nécessitant une enveloppe globale estimée à 45 milliards de dollars américains (ACAPS, 2016).
Le secteur financier a un rôle déterminant à jouer pour relever ce défi. En effet, d’une part, les établissements financiers, en raison du montant important des ressources financières qu’ils gèrent, peuvent participer activement à l’orientation des investissements vers des projets favorisant la transition énergétique. D’autre part, le changement climatique expose les acteurs financiers à des risques dont ils doivent se prémunir. Il y a d’abord les risques physiques, induits par la multiplication d’événements météorologiques extrêmes (inondations, sécheresses, canicules, etc.) et les dommages qui en découlent et que les sociétés d’assurance doivent indemniser. Il y a ensuite les risques de transition : les mesures prises par les pouvoirs publics ou les acteurs privés pour assurer la transition vers une économie à faible émission de carbone pourraient pénaliser certains secteurs économiques (par exemple dans l’industrie automobile) et les acteurs (notamment les banques) qui les financent (Banque de France, 2019).
C’est pour faire face à ces enjeux que s’est développée la finance verte, formalisée dans ses tenants et aboutissants par l’Accord de Paris sur le climat en 2015, et qui englobe toutes les opérations financières (et la réglementation y afférente) dirigées en faveur de l’environnement et du développement durable.
Elle se consacre en particulier au financement des actions publiques et/ou privées liées à la lutte contre le réchauffement climatique et à la transition énergétique et écologique.
Il est à préciser que la finance est, avec la finance solidaire (finance investie dans l’économie sociale et solidaire / vise en particulier à réinsérer des personnes en difficulté)[1] et la finance responsable[2] (investissements socialement responsables / inclut la performance financière et le respect de critères ESG : environnementaux, sociaux et de gouvernance), une composante de la finance durable, du mot anglais « Sustainable » (soutenable), qui désigne l’ensemble des pratiques financières visant à favoriser l’intérêt de la collectivité sur le long terme(Banque de France, 2022).
Les principaux concepts clés ayant été définis, la question qui se pose et la suivante : Dans quelle mesure la finance verte contribue-t-elle à la protection de l’environnement et à la lutte contre le réchauffement climatique ?
Cette question amène d’autres sous-questionnements :
- Quelles sont les mesures à caractère financier prises par le Maroc pour protéger l’environnement ?
- Quel est le rôle de la fiscalité dans la protection de l’environnement ?
- Quel rôle joue le système financier national et international dans la protection de l’environnement ?
- Quelles sont les limites, les enjeux et les perspectives d’avenir de la finance verte au Maroc ?
Le présent article répond à ces interrogations en abordant, tout d’abord, les différents instruments mobilisés afin de financer les projets verts et de verdir durablement le système financier marocain, avant de s’attarder, ensuite, sur l’impact (ou l’absence d’impact) de la finance verte sur la protection de l’environnement. Enfin, un troisième et dernier axe est réservé aux principales conclusions et recommandations.
[1] La finance solidaire recouvre l’ensemble des initiatives et réglementations visant à faciliter le financement de projets destinés à lutter contre l’exclusion et à améliorer la cohésion sociale. La finance solidaire repose sur une épargne placée par les épargnants sur des produits financiers solidaires. Cette épargne collectée est ensuite orientée vers des porteurs de projets développant des activités à forte utilité sociale. La rentabilité financière n’est pas la priorité de l’épargnant. L’objectif recherché est par exemple de favoriser la réinsertion, la solidarité internationale, de lutter contre le chômage, contre le mal logement
[2] La finance socialement responsable repose sur une épargne investie sur des projets qui concilient conjointement, d’une part, la performance financière, d’autre part, le respect de l’environnement (E), la considération et le bien-être des salariés (S : dialogue social, formation des salariés, emploi de personnes en situation de handicap, prévention des risques, conformité réglementaire, etc.), enfin les bonnes pratiques de gouvernance (G : transparence de la rémunération des dirigeants, lutte contre la corruption, féminisation des conseils d’administration, etc.).
Références
AMMC. Guide sur les Green Bonds (En ligne). 20 p.
BAM, ACAPS, MEF, CFC et al. Feuille de route pour l’alignement du secteur financier marocain sur le développement durable. 2016.
Banque de France. La finance verte. L’éco en bref. 2019.
Banque de France. La finance durable. L’éco en bref. 2022.
BEN HAYOUN (M.). Green Bonds : Le Maroc dans le Top 3 africain, mais…(En ligne). LE MATIN. Disponible sur : https://lematin.ma/express/2022/green-bonds-maroc-top-3-africain-mais/376939.html
BENNIS (L.). La finance verte au Maroc : enjeux et perspectives à l’ère du changement climatique. Revue Française d’Economie et de Gestion « Volume 4 : Numéro 4 », 2023, pp.29-61.
FALHAOUI (K.), BOUAYAD AMINE (N.), ROUGGANI (K.). La fiscalité verte au Maroc : Etat des lieux et perspectives. Revue marocaine des sciences de management. 2023, pp.87-100.
GRANDJEAN (A.), LEFOURNIER (J.). L’illusion de la finance verte. Les Éditions de l’Atelier/Éditions Ouvrières, Ivry-sur-Seine,2021.
MARODON (R.). Pourquoi l’essor de la « finance verte » n’a-t-il aucun effet sur la hausse des émissions de CO₂ ? SudOuest. 2021.
Ministère de l’Energie, des Mines, de l’Eau et de l’Environnement. Les instruments d’incitations à la dépollution industrielle FODEP/MVDIH/FNE, 2012,p. 8.
Nations Unies. Commission économique pour l'Europe. Examen des performances environnementales : Maroc ,2022, p.85.
Rapport sur les Comptes Spéciaux du Trésor, LF 2023.
SORIN (M.), HAIRABEDIAN (J.). Taxonomie verte européenne : qu’est-ce que c’est ? 2023.
Transitions Energies. L’impact limité de la finance verte. 2021.
UNFCCC. Fiche d’information MDP – Général. 2013.
ZENASNI (M.). La finance verte levier d’impulsion de la croissance verte : Cas du Maroc. Revue Internationale des Sciences de Gestion « Numéro 5 : Octobre 2019 / Volume 2 : numéro 4 » p.315.
Sites web
https://www.environnement.gov.ma/fr/service/fodep?id=390
https://www.fellah-trade.com/fr/developpement-durable/fond-developpement-durable
https://ebrdgeff.com/morocco/fr/green-financing-tops-ebrds-2021-investments-in-morocco/
https://www.fellah-trade.com/fr/developpement-durable/fond-developpement-durable
https://www.challenge.ma/le-fonds-capital-carbone-maroc-entre-en-liquidation-84663/
https://fr.wikipedia.org/wiki/Finance_verte
https://casablancafinancecity.com/finance-verte-et-durable/?lang=fr
https://www.greening-e.ma/morseff-est-la-ligne-de-financement-de-lenergie-durable-destinee-aux- entreprises-privees-marocaines/
https://ebrdgeff.com/morocco-geff/fr/the-programme/the-facility/ https://ebrdgeff.com/morocco/fr/
https://aujourdhui.ma/societe/operationnel-des-le-1er-octobre-2023-tout-savoir-sur-le-mecanisme- dajustement-carbone-aux-frontieres-de-lue