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Vol. 5 No. 1 (2022)
La responsabilité sociétale des entreprises (RSE) est, depuis le début du millénaire d’une grande actualité dans le discours des entreprises, des pouvoirs publics et des législateurs. Ce phénomène de société n’est pas un effet de mode passager car il s’enracine dans des préoccupations séculaires sur les conséquences et la finalité des activités économiques. Il est le reflet d’une volonté de nos sociétés modernes de définir de nouvelles règles économiques, sociales, écologiques, permettant un meilleur-être, une meilleure cohabitation entre tous les acteurs de la société.
En effet, en incitant les entreprises à se responsabiliser dans leurs relations avec la société, la RSE conduit à l’intégration de préoccupations holistiques de nature éthique, sociale et environnementale dans les décisions managériales, la gestion des entreprises et les théories économiques.
La RSE se révèle être une opportunité. En anticipant des contraintes ou en prévenant des risques (sociaux, écologiques, juridiques), en réduisant les coûts liés à la consommation de certaines ressources, en augmentant le niveau de qualité de service, en différenciant son offre sur le marché et en améliorant sa notoriété, les entreprises ne prennent qu’un risque : celui d’augmenter globalement leur performance économique et financière.
La RSE contribue aussi à la construction du concept d’entreprise élargie. En effet, la notion d’« entreprise élargie », d’origine doctrinale, tend aujourd’hui à s’acclimater sous l’influence de la démarche de Responsabilité Sociale de l’Entreprise (RSE). Les lois les plus récentes, la jurisprudence et la pratique des affaires font la promotion de « l’entreprise élargie », répondant ainsi à la demande des parties prenantes de l’entreprise (ONG, pouvoirs publics, société civile). Elle tend en outre à intégrer dans l’entreprise d’autres parties prenantes qui jusque-là étaient extérieures à elle (cercle des fournisseurs, chaîne des sous-traitants …).
Par ailleurs, la RSE s’accompagne d’une densité normative et emprunte de manière privilégiée la voie du droit négocié, souple, non réflexif qui répond à la nécessité d’une création normative novatrice et adaptée aux enjeux stratégiques des pouvoirs privés économiques.
Or, l’ensemble de ces démarches volontaires envahissent et questionnent la sphère du droit. Ce mouvement normatif emporte avec lui des réflexions spécifiques en ce qui concerne une branche du droit particulièrement réceptive à ces changements normatifs : le droit des affaires.
En effet, le droit des affaires traduit une préoccupation grandissante en faveur de la RSE et reconnait implicitement sa pertinence et son utilité dans la pratique des affaires. Cette reconnaissance se manifeste sous la forme d’influences et d’interactions réciproques entre les normes RSE et les règles juridiques composant le droit des affaires. Par conséquent, la normativité dans cette branche du droit devient le produit de l’hybridation et de l’interpénétration de la sphère d’intervention de la puissance publique et de la sphère d’autonomie des acteurs privés.
Ce numéro constitue une contribution de la reveue JEMED à la valorisation des actes du colloque international sur le thème « Droit des Affaires et Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE): Quelles interactions pour quelles perspectives ? » qui s’ést déroulé à Fés les 11 et 12 juin 2022.